Interview
Souvenirs d’un Elficologe par Thierry Gloris, scénariste.
Sceneario.com : Bonjour Thierry. Ce début d’année 2009 est très chargé pour toi. : en janvier, Saint-Germain (chez glénat), en février le troisième et dernier tome du Codex Angelique puis, pour le mois de marc , Souvenirs d’un elficologue chez Soleil. Les hasards du calendrier, me diras tu. Mais intéressons nous donc à Souvenirs d’un elficologue, ta nouvelle série chez Soleil Celtic. Peux-tu nous en faire un pitch rapide ? Nous presenter le départ de cette série ?
Thierry Gloris : Le monde celtique et ses légendes n’est guère accessible pour le non initié : Korrigans, ondine, feys, cromlech… Tout un univers à apprivoiser si l’on n’est pas né dedans. Il n’existe pas de bible, ni de dogmes prédéfinis. Le « celtisme » forme un corpus disparate formé de bribes d’anciens poèmes épiques chantés et d’ajouts plus ou moins heureux issus des contes retransmis oralement lors des veillées des siècles passés. Il n’y a pas d’unité, ni de cohérence. Si l’on y rajoute le syncrétisme avec la religion catholique venu s’enraciner plus tardivement, nous avons là, la richesse de ce « matériau de Bretagne ». Ce faisant, chacun doit faire un effort pour essayer d’y trouver un message ou un intérêt personnel. On pourrait presque comparer ce « matériau » à une forme d’ésotérisme dont les règles ne sont pas écrites. Partant de ce postulat, on peut imaginer des « gardiens » issus soit du « petit peuple » (la fée Clochette de Peter Pan…), soit du monde des mortels (les anciens druides…) comme des initiateurs aux arcanes d’un monde tout à la fois magique et inquiétant.
Notre héros, Paul Laforêt, est étranger aux légendes celtiques. Parisien, élevé dans le culte de la Raison et du progrès scientifique, il n’a qu’une obsession : prouver que la nouvelle invention dont il s’est entichée – la photographie – va le rendre riche. Il se propose donc de suivre un reporter au Mont St Michel pour faire le premier « reportage photographique » de l’Histoire. Le « hic » dans son plan de carrière – et la clef de notre scénario – c’est que sur les épreuves argentiques qu’il va développer, de curieuses formes féeriques vont apparaître de façon totalement aléatoire : d’abord des tâches étranges, puis des silhouettes, puis des feys ! Croyant à un canular, notre héros va se laisser entraîner par ses images floues sur les anciens sentiers qui mènent à Faërie…
Parallèlement à cette intrigue assez introspective, une série de meurtres sanglants et très énigmatiques quant à leurs signatures (un poulpe est enfoncé dans la bouche des victimes…) viennent plonger le Mont Saint Michel et ses environs dans la peur. Les assassinats sont spectaculaires et les rares témoins décrivent le coupable comme une « bête infernale ». En fait, le diable n’aura rien à voir dans cette affaire. L’initiateur de ce massacre est un être dont le nom résonne comme un cri de terreur dans une très vieille légende celtique : BALOR.
D’un point de vue pratique, les deux arcs narratifs se rejoindront quant notre héros comprendra que le « petit peuple » essaie de l’alerter sur la nature surnaturelle de l’exécuteur du Mont St Michel.
Le tout départ de la série est issu d’un coup de fil que j’ai eu avec Jean-Luc Istin. Nous avons pas mal discuté, il connaissait mon travail sur le « Codex Angélique ». A la fin de l’entretien, je signais pour une série pour Soleil-Celtic. Je suis toujours intéressé pour aller défricher des terres narratives que je ne connais pas. C’est mon premier pas dans la fantaisie celtique et j’ai eu la chance de bénéficier d’une grande liberté narrative. J’ai pu faire l’album que je voulais. Bien sûr, je suis publié dans une collection avec une forte identité et je n’allais donc pas raconter les aventures du quotidien de M.Toulemonde, mais je pense avoir amené ma modeste patte à ces univers déjà bien balisés. Après, l’album pourra paraître un peu en décalage pour les habitués du style Solei-Celtic, j’espère juste que tous les lecteurs de mes autres séries s’y retrouveront. La série a une touche plus adolescente que mes autres BD, mais j’en suis très content, ma fille a pu le lire et l’apprécier !
Sceneario.com : Comment t’es venu l’idée de ce récit ?
Thierry Gloris : Jean-Luc Istin m’avait proposé de travailler sur le XIXème siècle et le Mont Saint Michel. J’ai trouvé ces contraintes très stimulantes. Si le XIXème siècle est une de mes époques de prédilection, je me suis plongé dans de la documentation traitant du Mont Saint Michel. J’ai appris plein de choses ! J’ai mis un peu de temps à digérer toutes ses informations. Pendant ce temps, j’ai été me relire quelques nouvelles de Pierre Dubois, car je savais que si j’abordais le sujet de la féerie, j’allais immanquablement marcher sur des sentiers déjà empruntés par Petrus Barbygère. Puis, je me suis souvenu d’un vieux fait divers du XIXème siècle qui avait intrigué jusqu’à Conan Doyle : Des fées étaient apparus sur des photographies à côté d’une petite anglaise. L’idée de départ de « Souvenirs d’un Elficologue » était en marche !
Sceneario.com : Quels ont été tes influences, tes inspirations pour cette histoire ?
Thierry Gloris : Ma principale source d’inspiration est l’Histoire notamment du Mont Saint Michel mais également celle des idées et sociale. Au niveau féerique, ma source privilégiée est Pierre Dubois et ses ouvrages. Le nom de notre héros ainsi que le titre de la série est un hommage à sa personne à peine déguisé !
Sceneario.com : Souvenirs d’un elficologue nous entraîne autour du Mont Saint Michel. Qu’est ce qui t’as poussé à placer ton récit dans ce magnifique endroit ? T’y es tu rendu pour y faire des repérages ?
Thierry Gloris : Je connaissais le Mont Saint Michel et ses légendes. Je l’ai déjà visité plusieurs fois et à travers l’album je le redécouvre et le refaçonne à ma guise… c’est jouissif ! Ceci dit, il faut avouer que le Mont n’est « vivant » que grâce au travail de titan de Jean-Paul Bordier, le dessinateur qui a été jusqu’à construire une maquette afin de se repérer et faire évoluer notre héros. Un travail de fou !
Sceneario.com : Thierry, crois tu au monde des fées ?
Thierry Gloris : David, crois tu au père Noël ?
Sceneario.com : Bien sur ;). Qu’est ce qui t’a amener à travailler avec Jean-Paul Bordier ?
Thierry Gloris : Nous nous sommes rencontrés par l’intermédiaire de JL.Istin. Le script étant accrédité, il fallait trouvé un illustrateur. JL m’a présenté les dessins de plusieurs candidats potentiels. Ma préférence allait aux travaux de Jipé. Il a été retenu. Après, progressivement, une relation de travail puis de confiance s’est installée. Désormais, nous sommes comme un petit couple qui attendons de voir comment vont se passer les premier pas de leur bébé nommé: « Souvenirs d’un elficologue » !
Sceneario.com : Travailles tu avec Bordier comme tu travailles avec Bourgoin et Bergeron ?
Thierry Gloris : Grosso modo, oui… Avec Mikaël Bourgoin tout était très écrit, avec Jean-François Bergeron, tout est très oral (téléphone), avec Jipé, c’est un mixe des deux !
Sceneario.com : En combien de tomes est prévu cette histoire ? Vas-tu nous emmener vers d’autres mystères par la suite ?
Thierry Gloris : Pour l’instant, nous allons fonctionner en diptyque comme sur Saint-Germain. Si les ventes suivent, nous embraierons immédiatement sur un second diptyque qui donnera un éclairage différent à l’enquête thriller des deux premier tomes. Au bout de quatre opus, nous verrons…
Sceneario.com : Revenons sur le Codex angelique 3. Qu’est ce que cela te fait de voir ta première série se terminer ? Attends tu beaucoup de la réaction du public pour ce final ?
Thierry Gloris : Cela crée un petit frisson, mais également un fort sentiment de fierté d’avoir enfin fini quelque chose. Ensuite, je dois bien avouer que je ne maîtrise plus vraiment la trilogie du Codex Angélique. Elle est désormais entre les mains des lecteurs, à eux de se faire leurs propres avis. Pour moi, cette série était une étape dans mon cheminement d’auteur. Je suis à la fois triste de quitter cet univers mais également heureux de travailler sur de nouveaux projets BD complètement différents sur le fond comme sur la forme.
Sceneario.com : Tu prévois aussi une nouvelle série à venir chez Quadrants avec Jacques Lamontagne au dessin. Peux tu nous en dire quelques mots en avant première ?
Thierry Gloris : Il s’agira d’une série se déroulant au XIXème siècle sous forme d’une enquête-aventure. Le titre est encore en phase de réflexion. Le personnage principale sera une jeune enquêtrice nommée Flora. Il y aura un peu de fantastique et d’ésotérisme. Le fond de la narration sera plus léger que celui du Codex Angélique, plus proche de celui de Saint-Germain.
Le projet est né de la volonté des auteurs de renouer avec la veine fantastique et populaire des romans feuilletons du XIXème siècle. Le but est donc de retranscrire en bande dessinée l’atmosphère de tous ces ouvrages qui ont peuplé l’imaginaire de notre enfance. De ce fait, notre histoire campe son intrigue à la fin d’un XIXème siècle légèrement décalé, où peuvent se croiser dans la même rue, les grands auteurs de la littérature classique et les personnages fictifs nés sous leurs plumes.
Sceneario.com : merci pour ce temps passé avec nous
Thierry Gloris : De rien, à la prochaine !