Interview

Stefano TAMIAZZO pour La Mandiguerre tome 4

 

Sceneario.com : Peux-tu te présenter ?
Stefano Tamiazzo : Bonjour, je m’appelle Sefano Tamiazzo et j’ai 39 ans. Je suis né à Padoue en Italie, où je vis. Je suis un autodidacte, je n’ai jamais fréquenté d’écoles d’art ou d’écoles de bande dessinée. 
J’ai toujours été un fan, depuis l’enfance, de bandes dessinées et de cinéma. Depuis pas mal d’années, pour compenser,  je suis devenu un « modeste » marathonien et je me passionne pour le Tai-chi …

Sceneario.com : Comment es-tu arrivé dans le monde de la BD ?
Stefano Tamiazzo : En 1994 j’ai gagné un prix très important en Italie pour auteurs amateurs : celui du festival du fantastique de Prato. Un prix prestigieux parce que parmi les vainqueurs des éditions précédentes il y avait des gens comme Massimiliano Frezzato ou Claudio Castellini ( Marvel, DC comics,etc.).
Malgré la victoire, obtenue à l’unanimité du jury pour la première fois en 20 ans, je me suis rapidement rendu compte que pour un auteur comme moi il y n’avait pas beaucoup à faire dans mon pays, j’étais si décidé que j’aurais presque émigré dans d’autres pays un peu plus ouverts, d’un point de vue édition.
À la foire internationale du livre de Bologne, après une journée désastreuse , j’ai rencontré  les responsables de VIZ communications de San Francisco, le « filtre » américain pour toutes les productions manga… et à ma grande stupéfaction ils achetèrent mon histoire.  Elle fut éditée dans un magazine mensuel de BD, cinéma d’animation et video-games qui publiait des auteurs du calibre de Rumiko Takahashi et Hayao Miyazaki, par exemple, ANIMERICA, anime & manga monthly avec le titre A night’s dream of near… escape!!!. Puis la même histoire est apparue en juillet 2001 dans le second numéro de Pavillon Rouge, le mensuel BD qu’éditait Delcourt. 
Elle fut présentée comme un hommage au style de Miyazaki, je fis d’ailleurs la couverture aussi. 
Ce fut mon entrée dans le monde de la BD…. Puis il y a eu le Japon, et, avec une grande joie, la France…. L’ Italie continue de regarder de loin les éditions françaises.

Sceneario.com : Et ta rencontre avec Jean-David Morvan ? 
Sefano Tamiazzo : Le pur hasard !  Ou presque. 
J’avais envoyé des copies de mes travaux à différents éditeurs français. Et un jour Jean-David regarda tout ça à la rédaction chez Glénat. Il m’écrivit une lettre très sympathique dans laquelle il m’offrait une collaboration. Le temps de nous écrire quelques lettres, ( je n’avais jamais pris en considération l’importance d’avoir un PC avant cette période), et nous nous rencontrâmes à Paris. 
Dans un très bref temps nous avons découvert que nous avions de nombreux points en commun, de là est née une grande amitié à distance et une collaboration qui nous a amené à la réalisation de LA MANDIGUERRE.

Sceneario.com : Comment se déroule ta collaboration avec JD Morvan ?
Stefano Tamiazzo : Au début nous avons discuté de l’ensemble du projet pendant nos rencontres en France et nous avons décliné les différentes lignes directrices, la base, qu’ensuite JD, comme chaque auteur qui se respecte, a changé… Mais c’est la chose la plus normale qui puisse arriver quand on écrit une histoire. 
Beaucoup du matériel de base est resté, même si un membre très important a été modifié : la présence des ET, les mandis…. J’aurais préféré une guerre entre humainsavec des demi aliens et des cultures différentes, avec peut-être plus de demi cuirassés, plus de terre ! 
Quand on travaille ensemble il faut être assez souple et avoir réciproquement confiance, et je suis content de m’être fié à lui, j’ai beaucoup appris en travaillant sur ces quatre volumes. 
Puis je me suis « limité » à envoyer des idées, des résumés pour des scènes possibles en laissant la liberté totale à JD pour tout changer comme il le voulait. 
JD s’est conduit de la même manière pour le storyboard, pour moi fondamental. J’ai travaillé en totale liberté en écoutant les différentes suggestions. Une fois trouvé le mix juste, je passais à la phase finale.  
 
Sceneario.com : Vous vous voyez de temps en temps ?
Stefano Tamiazzo : Nous nous voyons à certains festivals quand c’est possible, mais nous communiquons principalement par l’internet qui est parfait pour nous deux qui travaillons beaucoup à distance.  
 
Sceneario.com : Le premier tome est sorti début 2001, et le tome 4, 6 ans et demi plus tard, pourquoi tant de temps ?
Sefano Tamiazzo : Beaucoup de composants….. nous sommes deux perfectionnistes, en même temps, JD travaille sur beaucoup de projets et ne peut pas forcément  fournir pour ses histoires trop de pages à la fois.  Fractionner le travail n’aide pas beaucoup.  J’ai dû reorganiser ma manière de travailler et « j’ai perdu du temps » en le faisant. 
Il nous a fallu un an pour trouver notre rythme, le troisième volume a ensuite été décalé de presque un an.. pour des motifs qui me sont inconnus… C’est comme ça. 
Cela m’a poussé au revoir ma manière de travailler et pour les prochains projets j’ai réussi à trouver un équilibre satisfaisant autant pour mon ego que pour le temps, qui est fondamental.
Un album par an c’est parfait.  
 
Sceneario.com : L’histoire est quelque peu engagée, comment perçois-tu la chose ?
Stefano Tamiazzo : Nous sommes entourés par la guerre. Nous vivons sur une sorte d’île heureuse dans nos pays mais partout autour c’est un désastre. 
Le BD peut se permettre de parler de ces choses aussi, et elle peut le faire de beaucoup de manières… Nous l’avons fait à travers un space-opera avec des astronefs et les ET, mais par le récit au travers des explosions, des aventures et des sentiments de nos héros, on a pris la responsabilité de parler, à notre manière, de la façon de percevoir la diversité de l’autre, la peur avec laquelle nous affrontons les épreuves douloureuses de la vie, et de ce qui nous transforme, de temps en temps, en certaines personnes d’un certain type. 
Parfois on devient  meilleur, parfois non ! 
Je dois dire que dans l’ensemble cette histoire est, peut-être, une des plus mûres de JD…  

Sceneario.com : Connaissais tu l’histoire entièrement avant de te lancer dans le 1° tome ?
Stefano Tamiazzo : Non, et même, s’il est compréhensible de travailler avec des bases à développer progressivement, surtout pour quelqu’un qui écrit autant d’histoires en même temps, je préfère travailler avec tout le récit déjà développé. 
Il me permet de travailler avec plus de libertés sans dénaturer le sens de l’histoire, avec le rythme juste et en insérant au moment juste les événements dynamiques qui portent l’histoire. 
Ca me plaît d’avoir tout le storyboard complet pour ajouter ou faire les coupes dont l’histoire a besoin. 
Pour moi c’est un des moments le plus créateurs et intéressants de ce métier.  
 
Sceneario.com : Quel autre thème aimerais tu illustrer ?
Stefano Tamiazzo : Pour moi il est fondamental de ne pas dessiner des récits métropolitains, actuels… Nous sommes dans une époque avec des vêtements peu intéressants,  des design minimalistes et peu d’imagination en général. 
J’aime retoucher, réinventer les uniformes, les armes, les machines. 
Je suis très intéressé par le passé… Depuis les années trente, en gros, tout est intéressant à dessiner, sans distinction de genres, j’entends de l’historique à l’heroic-fantasy jusqu’à la la science-fiction façon Jules Verne.  
 
Sceneario.com : Tu aurais un scénariste avec qui tu souhaiterais travailler ?
Stefano Tamiazzo: Si je pouvais faire un saut dans le passé il m’aurait sûrement plu de travailler avec Pratt, Eisner, Christin et aussi Hergé ! 
Entre les contemporains il y a beaucoup d’excellents auteurs en France, il n’est pas difficile de choisir : Convard, Dufaux, Sfar… De très grands professionnels ! 
 
Sceneario.com : Certaines scènes de combat sont particulièrement violentes, n’est ce pas trop difficile à dessiner ?
Stefano Tamiazzo : Non ! Ce sont  les plus faciles au contraire, pour moi.  Chaque dessinateur a sa caractéristique, il y en a qui dessinent un certain type de scène mieux que d’autres.  Pour moi les plus difficiles sont celles où les gens parlent pages après pages et ou il ne se passe rien. 
Les pages avec des grandes scènes dynamiques stimulent énormément et ce sont celles là où viennent les meilleures solutions…. surtout quand JD m’envoie des pages avec 11-12 cases. 
C’est dur mais ensuite la satisfaction est grande quand tu découvres que tu as réussi à « inventer » un bonne mise en scène. Tu penses aux réactions qu’il y aura après la lecture de l’album… puis tu vas sur le net et tu découvres la vérité !!!  
 
Sceneario.com : Sort-on indemne de telles pages ?
Stefano Tamiazzo : Moi oui, les personnages peut-être moins… Dans certaines scènes en tout cas… Le mécanisme de la BD me plaît beaucoup.  Tu finis une page et tu veux tout de suite en commencer une autre.  Tu penses avoir résolu un problème dans la page précédente et tu en retrouves cinq autres à la page d’aprés …. il faut être préparé à penser naturellement les images. 
Je ne peux pas concevoir qu’il y ait des auteurs qui se font faire les storyboard par d’autres, ça n’a aucun sens. 
La création a besoin, aussi, de moments de crise, de stop pour repartir encore, encore et encore. 
En ça le plaisir reste de concevoir une aventure, et quand tu as fini, comme dans le cas de LA MANDIGUERRE tu es un peu triste et en même temps tu as hâte de recommencer… Fantastique, non?
 
Sceneario.com : La dernière page de ce dernier tome est très ouverte à une possible suite, qu’en est-il ?
Stefano Tamiazzo : Pour le moment la série est finie, mais il est vrai qu’il y a la possibilité pour une suite…. Tout est possible dans la science-fiction et dans l’industrie du livre. 
Il serait beau de voir LA MANDIGUERRE dans un seul grand volume, par exemple. 

Sceneario.com :  As-tu d’autres projets ?
Stefano Tamiazzo : Avec ces années de travail avec JD, j’ai énormément appris sur la manière de faire de la BD en France, je lui suis débiteur d’une expérience professionnelle et humaine qui est sûrement la plus riche de ma vie, et je profite de l’hospitalité que me donne  Sceneario pour le remercier publiquement pour tout. 
En ce moment je suis en train d’écrire tout seul une série tout comme je le faisais avant LA MANDIGUERRE.  C ‘est un travail dur, mais l’enthousiasme est grand et je vois que j’avance assez rapidement. 
Je me suis évidemment donné un temps pour concevoir et proposer le projet. D’ici là je divise mes journées entre documentation, écriture et réécriture, design des personnages, storyboard etc, etc… et que la force soit avec moi !!! Au secours !!!! Jean-Daaaaaavid… 
 
Sceneario.com : Qu’as-tu lu dernièrement ?
Stefano Tamiazzo : En ce moment, chaque jour dès que je me lève je lis, ou je relis un des grands classique de la BD, je l’analyse et l’étudie. 
En ce qui concerne la littérature je suis en train de lire des choses sur la guerre des Balkans dans les années ’90. Terrible et médiéval, et à peu kilomètres de chez moi… 

 

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