4 octobre 2011

Quartier Lointain de Jirō TANIGUCHI adapté au théatre

Adaptation d’après Quartier Lointain de Jirō TANIGUCHI avec une mise en scène Dorian ROSSEL

Résumé
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Un père de famille au seuil de la cinquantaine rentre d’un voyage d’affaires, quand soudain il se retrouve catapulté dans sa ville natale. Ce sera l’occasion pour lui de revisiter son enfance et de dénouer un drame familial intimement lié à l’histoire de ses parents.

Avis
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Faisons un rapide retour sur l’œuvre originale. C’est en 1998 que sort « Haruka-na machi e » de Jirō Taniguchi, série en deux tomes. Il faudra ensuite attendre 2002 puis 2003 pour que Casterman publie les deux volumes en français sous le titre « Quartier Lointain ».
Prix d’Excellence du Festival des arts médias de l’Agence pour les affaires culturelles au Japon, catégorie Manga en 1998, Alpha’Art du meilleur scénario au Festival d’Angoulême 2003, prix Canal BD des librairies spécialisées, prix de la meilleure BD adaptable au cinéma au Forum de Monaco 2004, prix de la meilleure édition aux Japan Expo Awards 2011, cet ouvrage remporte encore aujourd’hui un franc succès.
Une adaptation au cinéma était en salle à partir du 24 novembre 2010 dans laquelle l’action se déroule en France, à Nantua et où tous les noms des personnages sont adaptés en français; le héros s’appelant Thomas.

Hiroshi Nakahara, 48 ans, marié et père de deux fille, est en gare de Kyotô avec une méchante gueule de bois. Il rentre d’un voyage d’affaire et s’apprête à prendre le train pour Tôkyô. Seulement voilà, il s’est trompé de train et se dirige ainsi vers Kurayoshi sa ville natale. Ayant deux heures devant lui, il décide d’en profiter pour faire un petit tour dans ces rues de son enfance. À nouveau, sans trop savoir comment, il se retrouve au temple Genzen. C’est ici que sa mère, décédée 23 ans plus tôt, est enterrée. Alors qu’il se recueille sur sa tombe, il est transporté à l’époque de ses 14 ans, dans son corps d’enfant mais avec son esprit d’adulte. Qui n’a jamais rêvé de retourner en enfance, d’avoir la possibilité même infime de pouvoir modifier son passé ainsi que son futur par la même occasion ?

Commençons par planter le décor : nous sommes au théâtre Le Monfort, dans le quinzième arrondissement de Paris. Ce soir, nous assistons à la première représentation. Les 456 sièges dont dispose la salle sont tous remplis. Les gens qui m’entourent n’ont pas l’air de connaître l’œuvre originale ni même d’avoir une petite idée de qui est Jirō Taniguchi; ils aiment le théâtre et viennent pour une pièce dont le scénario intrigue pour certains et semble intéressant pour d’autres. Les lumières s’éteignent, la pièce commence…

Avant toute chose, premier point qui m’a marqué : les lieux, les noms des personnages, tout a été conservé dans la langue originale, à savoir le japonais. C’est donc un très bon point à ce niveau.
Ensuite, vient l’histoire. La dessus, rien à dire non plus. Elle reprend ligne pour ligne l’histoire originale en allant jusqu’à citer quelques phrases du récit.
De plus, on sent que la mise en scène a mis un point d’honneur à respecter tous les silences présents dans le dessin afin de transposer ce rythme à la pièce. On conserve donc cette ambiance à la fois apaisante et nostalgique dans les mémoires et les retrouvailles, mais aussi grave face au drame qu’a vécu Hiroshi et sur les leçons à en tirer.

Petit point noir tout de même au niveau de la mise en scène; les va-et-vient entre le Hiroshi adolescent et celui adulte sont mal représentés; alors que l’adulte est censé faire la voix off, autrement dit, ce qu’il se passe dans la tête d’Hiroshi tout au long de l’histoire, tandis que l’adolescent interagit avec le monde qui l’entoure, ici, les rôles s’entremêlent et le spectateur a vite tendance à s’y perdre et à confondre les rôles de chacun.

Au delà de tout ceci, la pièce apporte quelques touches comiques au récit qui permettront peut-être à quelques personnes d’esquisser deux ou trois sourires mais qui n’ont, à mon sens, absolument pas lieu d’être. Il aurait mieux valu s’attarder sur des points tels que ce qu’Hiroshi aura appris de son voyage dans le temps mais également et surtout, l’évolution de sa vision sur sa propre famille, chose qui n’est pas du tout représenté ici. Malheureusement, en passant à côté de ces points, c’est comme si Hiroshi ne tirait aucune conclusion de tout ce qu’il venait de revivre et rend donc inutile l’intégralité de son voyage et par là même l’œuvre en elle-même.

Quelques passages musicaux viennent agrémenter la pièce avec violon, flûte et clarinette comme instruments principaux. L’ambiance musicale est là encore vraiment adaptée au reste de la mise en scène et apporte une réelle plus-value à la pièce. Ceci étant, à plusieurs reprises le volume n’est pas maîtrisé et les acteurs doivent hausser le ton afin de se faire comprendre voire même entendre ce qui est un peu dommage d’autant plus que rien ne justifie une hausse particulière à ce niveau.

Pour conclure, cette adaptation est donc dans l’ensemble réussie et représente plutôt fidèlement ce qu’on s’imagine en lisant le livre. Aussi, qu’on ait lu le livre, vu le film, ou non, on passe une très bonne soirée. L’histoire est prenante et profonde et amène bien évidemment à réfléchir sur son propre passé ainsi que sur l’incidence de nos actions vis-à-vis de notre futur.
Je recommande donc à tous d’aller faire un petit tour pour applaudir ces acteurs qui transposent des planches sur les planches.


Jean-Sébastien Eude

Quartier Lointain adapté du manga de Jirô Taniguchi, mise en scène Dorian Rossel présenté au Monfort à Paris du 27 septembre au 29 octobre en partenariat avec le Théâtre de la Ville.

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