A bord de l'Etoile Matutine

Il n’est point nécessaire de crier dans les dunettes que les récits de pirates en bandes dessinées sont mal représentés dans le 9ème Art. C’est totalement faux. En effet, rien que pour l’année 2008 et pour ce début d’année 2009, plus d’une vingtaine d’ouvrages ont traité d’équipées de pirates ("Le diable des sept mers", "Les aventures de Nelson Lobster", "H.M.S.", "Long John Silver", "Belem", "L’épervier", "Jeronimus"… et d’autres sont en préparation comme "Le siècle des ombres", "Black Crow", "L’île au poulailler"…). Aussi, fort d’un thème très apprécié par les doux rêveurs que nous sommes, "A bord de l’Etoile Matutine" vient donc rejoindre ce flot littéraire abondant.

C’est donc Riff Reb’s ("Le bal de la sueur", "Glam et Comet", "Myrtil Fauvette"…) qui est à la barre de ce one-shot attrayant qui adapte le roman éponyme de Pierre Mac Orlan édité dans les années 20 et qui s’inscrit dans la toute nouvelle collection "Noctambule". Chapitrant son intrigue conformément à l’ouvrage original, il se fait le rapporteur graphique de plusieurs anecdotes dont l’équipage de l’Etoile Matutine est à l’origine. A ce titre, le pirate George Merry dont le nom évoque "L’île au trésor" de Robert Louis Stevenson dans lequel il apparaît aux côtés de celui de Long John Silver, se détache en parallèle d’un autre personnage aussi très présent le chirurgien de bord Mac Graw.

Le récit présenté se révèle sous la forme d’un journal multi thèmes écrit par un personnage totalement effacé, simple témoin d’incidents ou de faits atypiques tels la capture de femmes, l’incursion dans le port de Vera Cruz ravagé par la peste, l’adoption d’un chien, l’enrôlement de nouveaux flibustiers peu honorables… Certes, l’histoire contée échappe de loin aux récits de piraterie conventionnels et prend ici une forme assez noire, tourmentée, ce qui, à mon goût, en fait son charme. Ici, pas de poursuites navales, pas d’abordage, pas de canonnades à tout va, rien de tout ça. On ne relèvera uniquement que des bravades de boucaniers peu héroïques.

Riff Reb’s a parfaitement compris l’univers de Pierre Mac Orlan et le restitue sous un trait puissant. Ses personnages aux visages burinés par les embruns se présentent à nous dans un semi réalisme caricatural. Ils affichent à la fois un aspect humoristique et une présence grave qui n’est pas pour déplaire. Son univers graphique est sombre, impitoyable et colorisé dans des bichromies efficaces. Son travail est minutieux, empli de détails savamment dispersés sur un nombre très important de planches (112).

A noter que pour la première édition, est annexé à l’ouvrage un carnet de croquis très intéressant qui reflète l’étendue de travail exécuté par le dessinateur sur cette œuvre.

Amateurs de récits de pirates et autres aventures maritimes, voici un album à la trempe anecdotique qui devrait certainement vous interpeller. Que le cric me croque et que je sois pendu à la grande vergue si vous n’en subissez pas sa foudre !

Par Phibes, le 8 mai 2009