CHAT (LE)
Le chat déambule

Le Chat déambule, nouvel album de Philippe Geluck, n’est pas comme les autres. En effet, si il comporte des dessins inédits, il est surtout conçu comme un album-catalogue de l’exposition de vingt sculptures monumentales installées du 26 mars au 9 juin 2021 sur les Champs-Elysées, avant qu’elles ne soient envoyées dans d’autres villes françaises et européennes.

Dans la première partie de l’ouvrage, Geluck revient sur son parcours artistique, depuis le plus jeune âge, ainsi que sur l’évolution de son art. Sous forme d’entretien avec le critique BD Jean-Claude Loiseau, les confidences et analyses de l’auteur sont intéressantes, même si l’on n’est pas fan de celui-ci, appuyées par diverses œuvres de jeunesse, ainsi que par des reproductions montrant la diversité des formes d’art maîtrisées par le Belge.
La suite ressemble plus classiquement à un catalogue d’exposition, avec photos des sculptures de celle-ci, agrémentées d’un texte et de dessins complémentaires. P. Geluck apporte dans le dernier tiers du Chat déambule un regard éclairé sur l’humour dans l’histoire de l’art, avant de terminer par le mode de fabrication de ses sculptures, partie logiquement la moins digeste car la plus technique. Des planches de dessins agrémentent le tout !

Depuis 2015, le Bruxellois est au cœur de polémiques diverses. Affirmant, après les attentats de Charlie Hebdo, sa volonté de ne pas choquer les croyants avec des caricatures sur les religions, cette exposition sur les Champs remet le papa du Chat sur le devant de la scène.
Critiquée comme étant de « mauvais goût » par certains, et ne servant, au mieux, qu’à vendre des produits dérivés, jalousée alors que les galeries d’art sont fermées, l’expo fait le buzz depuis plusieurs semaines, tout en semblant très appréciée par les Parisiens !
A cela s’ajoute le projet, lui aussi critiqué, de Musée du Chat à Bruxelles, qui a donné lieu à des attaques contre l’auteur, mais qui a aussi entrainé de la part de certains à une remise en cause de la légitimité de la BD à être exposée dans les musées…
Philippe Geluck est habitué des critiques, certains contestant même le qualificatif de BD donné à ses ouvrages, alors qu’il ne se contente pas de dessins d’humour mais reprend les codes du 9ème Art et multiplie les strips ainsi que parfois les planches entières.

S’il ne laisse pas insensible, c’est aussi que son travail dépasse le microcosme habituel de la BD, touchant un très large public, et connaissant une médiatisation importante. Son personnage du Chat est aujourd’hui identifiable et reconnaissable pour beaucoup, et ceci à travers le monde entier, amenant à la lecture, mais aussi au musée, des gens qui n’ouvriraient pas un ouvrage classique de franco-belge !
Son humour décalé reste efficace ! Difficile de rester totalement insensible aux réflexions et analyses du gros matou.

Geluck est un artiste populaire d’un art à la base lui aussi populaire. Qu’il fasse rire ou laisse de marbre (ou ici de bronze), cet album du Chat déambule nous révèle un homme intelligent, sensible et drôle, en plus d’avoir un talent aux multiples facettes !

Par V. DEGACHE, le 11 mai 2021