MATTEO
Troisième époque (Août 1936)

Après avoir purgé une partie de sa peine à Cayenne, Mattéo a fini par rentrer à Paris et travaille maintenant en tant que tailleur de pierres. Il a retrouvé ainsi ses amis Paulin, Augustin et Amélie. Ensemble, profitant des tout nouveaux congés payés instaurés par le gouvernement Blum, ils prennent la voiture pour rejoindre le sud de la France, Collioure. Là, sous le soleil généreux, ils sont hébergés par la mère à Mattéo et s’adonne au bonheur des journées de repos au bord de la mer. Lors d’une escapade en ville, Mattéo retrouve Juliette avec laquelle il vient à partager des souvenirs d’antan et même une nouvelle idylle. Les vacances se déroulent donc sous de bons hospices. Pourtant, ailleurs, de l’autre côté des Pyrénées, ça barde sérieusement. Léon Blum a pris l’initiative de ne pas intervenir dans le conflit intérieur qui grève l’Espagne, ce qui chagrine les compagnons de Mattéo. Et ce dernier, qu’en pense-t-il réellement ? S’en moque-t-il réellement ou serait-il prêt à prendre parti ?

Par phibes, le 3 décembre 2013

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Notre avis sur MATTEO #3 – Troisième époque (Août 1936)

C’est toujours un réel bonheur d’ouvrir un ouvrage réalisé par Jean-Pierre Gibrat, surtout s’il est publié sous le couvert de la maison Futuropolis qui a le don incontestable de mettre en valeur ce qu’elle produit. Ainsi, dans une facture purement remarquable, les suites de la fameuse destinée de Mattéo, fils d’émigrés espagnols engagé, nous sont révélées.

Nous le retrouvons quelques18 années après son expérience révolutionnaire russe et sa condamnation aux travaux forcés. Employé comme tailleur de pierre après sa libération anticipée, il bénéficie comme tant d’autres de l’innovation sociale initiée par le front populaire de 1936 ayant trait aux congés payés. C’est donc dans une certaine insouciance que ce dernier, un brin taiseux et décalé, assurément marqué dans son for intérieur et dans sa chair par les derniers sévices subis, se dévoile à nous, accompagné de ses amis.

Jean-Pierre Gibrat signe ici une sorte d’intermède entre deux conflits (la révolution d’octobre russe d’un côté et la guerre civile franquiste de l’autre), intermède qui se veut nourri par une allégresse due à l’avancée sociale française. Dans un contexte historique une fois de plus maîtrisé, l’artiste nous fait donc apprécier les répercussions des fameux congés payés au travers des agissements de ses personnages, dans un échange verbal toujours aussi nature, plein de vitalité et également un tantinet partisan. La liesse semble donc au rendez-vous, toutefois trahie par un drame à venir et par les sons lointains d’un conflit certes extérieur mais qui touche aux racines du personnage principal et qui va secouer certains principes.

Il ne fait aucun doute que le récit conforte l’intérêt des deux premiers épisodes, tant les dialogues militants qui couvrent les péripéties plutôt statiques (ce sont les vacances) sont séduisants et tant les faits qui s’y attachent sont formateurs. Il va de soi que cet opus apporte joie et peine, affrontements et rebondissements, superbement géré par un auteur en pleine forme qui sait mettre en valeur ses personnages dans une étude caractérielle très profitable.

Pareillement, c’est au niveau du dessin pour le moins léché que Jean-Pierre Gibrat est attendu. Et là encore, son style direct fait des merveilles. Au gré d’un réalisme et des perspectives qu’il a indubitablement apprivoisées, l’artiste nous transporte sans problème dans l’époque sélectionnée, via une recherche historique parfaite et une galerie de portraits très charismatiques. A ce titre, les visages, réalisés pour certains de très près, sont saisissants de vérité, et se dégustent dans des reflets de douceur, de sensualité et de forte personnalité remarquables.

Une troisième partie réalisée de main de maître par un Jean-Pierre Gibrat doublement talentueux, au scénario et au dessin, et qui a le don de nous faire voyager à travers les époques. Chapeau bas !

Par Phibes, le 3 décembre 2013

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