Pigeons

Avec Pigeons, Marc Chalvin brosse un portrait à la fois de notre société, de son comportement vis à vis de ses dirigeants et de cette façon, finalement, de se complaire dans un réflexe de servitude passive qui permet en contre-partie tous les excès.
Cependant, il n’est ici pas question de lancer des débats politiques, mais d’apprécier la pertinence de ce regard plein d’humour, de cynisme et d’une pointe d’ironie assez savoureuse. Car le propos est extrêmement transparent, on devine aisément qui se cache derrière Korbak, derrière la mouette et on peut même reconnaître dans le reflet servile des pigeons des effets de masse qui peuvent nous avoir plus ou moins indignés, mais dans lesquels, en creusant un peu, on peut peut-être se reconnaître, sans trop se l’avouer.

En adoptant l’imagerie animalière, Marc Chalvin s’inscrit dans une tradition métaphorique qui le rapproche de quelques ainés comme Orwell, Calvo, Petillon, Got… L’utilisation de grands archétypes que l’on identifie tous du premier coup d’œil, sans avoir besoin d’explications superflues. Ainsi, quel schéma comportemental représentent les pigeons, quel figure du pouvoir s’incarne dans Korbak et quelle idée du contre-pouvoir induit les discours de la mouette, on le comprend dès les premières cases.
L’auteur s’attache alors à décortiquer, tant par amusement qu’avec la volonté, tout de même, de dénoncer, de pointer du doigt, les travers d’une société qui se voit tirailler entre sa volonté d’être libre, et son rapport ambiguë avec ses dirigeants…

Aucune véritable complaisance dans le constat qui se dessine au fil des pages, quand bien même l’usage de la caricature peut amener une lecture plus nuancée.
Toutefois, on ne peut qu’être saisi devant la pertinence de ce qui en découle. On repense aux multiples débats qui s’animent pendant des périodes complexes comme les élections, les factions idéologiques qui s’affrontent, les arguments qui fusent de tous les côtés, les amalgames, les discours au langage volontairement alambiqué ou cette dialectique de communiquant qui fausse les pistes.
Et de ce point de vue, Pigeons se présente comme un album particulièrement édifiant et très intéressant.

Une série de strips qui portent à la réflexion. Ils peuvent s’apprécier un par un, mais aussi comme un tout très cohérent.

Dans ces périodes troubles de grandes remises en question, il convient de souligner la lucidité pleine d’humour d’un tel volume.

Vivement recommandé.

Par FredGri, le 7 juillet 2023