SHI
La grande puanteur

1858, après le tragique « Black Friday » qui a donné lieu à retentissant massacre, Jay s’est retrouvée emprisonnée, tandis que Kita, grièvement blessée, peine à se remettre aux côtés de Sensei et des quelques enfants rescapés du gang des Dead Ends.

Mais quand le nouvellement nommé Commissaire principal Fiddle vient menacer Jay de retrouver sa fille, la jeune femme décide prendre les devants et réussit à s’échapper pour rejoindre ses amis afin d’enclencher une nouvelle phase de son plan qui vise cette fois le prince Leopold, le fils de la reine Victoria…

Au présent, la police enquête sur des disparitions enfantines ou l’on évoque un lien avec les activistes du groupe Shi…

Par fredgri, le 16 septembre 2023

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Notre avis sur SHI #6 – La grande puanteur

Avec ce 6e volume se conclue le second cycle de la série. Un cycle résolument tourné vers les actions plus directes de la reine Victoria qui n’en peut plus de voir se dresser devant elle, les silhouettes de Jay et Kita, arrogantes activistes qui comptent bien faire plier l’Empire Britannique. Avec la reine face à elles, les deux jeunes femmes se rendent compte, plus que jamais de l’importance de leur mission, mais aussi de l’incessant danger qui les menace, ainsi que leurs proches.

Zidrou et Homs continuent de mener cette extraordinaire série de mains de maîtres, dans les pas d’un petit groupe d’anarchistes plus que jamais engagé dans un combat pour la défense de l’enfance dans une Angleterre victorienne qui voit la pauvreté enfantine prendre des proportions dramatiques.
Il est donc question, ici, d’animer une intrigue très engagée qui, progressivement, s’enflamme, glissant de plus en plus dans la violence. Mais c’est aussi un passionnant réquisitoire contre l’un des grands dérapages de l’histoire qui oppose le paupérisme du 19e siècle face au mépris des classes privilégiés qui s’enrichissaient sur le dos de cette population d’indigents.
Les auteurs insistent beaucoup sur le gouffre qui se creuse entre ces deux groupes sociaux, véritable creuset de toutes les inégalités liés à industrialisation massive, mais aussi sur l’urgence de la mission que se sont donnés les deux héroïnes et leurs amis.
On comprend néanmoins qu’il manque encore un élément pour passer à l’étape suivante, un quatrième membre, Shi, qui viendra rejoindre le trio tatoué.

L’écriture à quatre mains est particulièrement dynamique. On vibre devant cette énergie revendicatrice qui se dresse contre le pouvoir royal, devant ces portraits plein de charme, très attachants, des femmes prêtes à tout. J’aime assez cet aspect partisan, sans concession, qui parcourt tous les albums jusque là, et plus particulièrement la flamme qui brule dans le regard de Jay.
Toutefois, il ne faut pas oublier le récit mené en parallèle, au présent, qui nous parle, cette fois, davantage des répercussions des actions menées dans le passé, des héritiers qui ont pris le relai pour perpétuer le combat. A ce niveau là, je trouve cette alternance de récits assez intrigante, car elle permet de se rendre compte que tout ce qu’on lit, qui se déroule au 19e siècle, va ensuite gonfler et se répandre partout. En contre partie, j’avoue ne pas être trop amateur de ce procédé qui consiste à « évoquer » de manière assez floue, ce que les héroïnes vont devenir après ce qu’on est justement en train de lire. On retrouve le même procédé dans toutes les scènes ou apparait la fille de Jay, qui découvre les confidences de sa mère…

Zidrou et Homs multiplient donc les pistes narratives pour alimenter le suspense et tenter de ne pas trop nous en dire, non plus. Ca reste assez adroit dans la formulation, avec de très intéressants effets de style.

Graphiquement, Josep Homs continue de nous éblouir sur chaque planche. Son dessin est extrêmement expressif, très beau et très dynamique. On glisse dans une évocation de l’Angleterre du 19e siècle très cohérente et vivante, avec des planches impressionnantes. Une performance artistique exceptionnelle.

Shi est une série vivement recommandée, qui ne cesse de nous interpeler sur les grands combats sociaux tel qu’on peut en témoigner de nos jours.

A lire absolument.

Par FredGri, le 16 septembre 2023

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