Interview
FRANKENSTEIN par Marion MOUSSE
Sceneario.com : Bonjour Marion, pourriez-vous tout d’abord vous présenter et nous parler de votre parcours dans la bande dessinée ?
Marion MOUSSE : Bonjour. J’ai commencé la bande dessinée avec "Phinéas" en 2001 chez 13étrange. J’y suis arrivé un peu par hasard et avec beaucoup de chance. On m’a ensuite proposé de faire une adaptation libre de mon choix : ce fut le capitaine "Fracasse" de Gauthier en trois tomes. Delcourt m’a proposé de même de faire une adaptation au choix mais en restant fidèle et j’ai choisi "Frankenstein". Parallèlement j’ai sorti le premier tome d’un diptyque intitulé "From Outer Space" chez 6piedssousterre…
Sceneario.com : Le deuxième tome de votre nouvelle série "Frankenstein" étant sorti le mois dernier, pourriez-vous nous dire la raison de votre choix pour illustrer le roman de Mary Shelley ?
Marion MOUSSE : D’abord parce il me semblait qu’il n’existait pas de réelle adaptation fidèle du roman original : une histoire d’avantage centrée sur le créateur que sur sa créature. Qu’il me semblait intéressant d’exploiter les atouts graphiques d’une telle oeuvre sans mettre de coté la critique d’une époque qu’illustre le personnage de Victor Frankenstein face à un monde qui change. J’ai lu le roman très tard, à la différence de beaucoup. Cela explique peut être que j’en ai tiré une interprétation différente que si je l’avais lu à mon adolescence.
Sceneario.com : Après "Fracasse", c’est la deuxième fois que vous adaptez un classique littéraire. Est-ce à dire que vous n’osez pas vous lancer dans une aventure 100% Mousse ?
Marion MOUSSE : "Phinéas" en 2001 était un texte original, de même que "From Outer Space", mais ce n’est pas un hasard si ces histoires sont parues dans le cadre de maisons d’édition dites « indépendantes ». Je ne suis pas certain que mes centres d’intérêt à l’écrit puissent passionner un large public. En tout cas, il semble que ce soit l’idée des grosses maisons d’édition. Ceci dit depuis "Frankenstein", les choses paraissent changées, et des éditeurs tel que Delcourt sont plus enclins à s’intéresser à mes histoires ? Parallèlement j’ai moi même évolué vers une écriture plus lisible. Je n’ai pas fait d’école en la matière et l’adaptation reste mon école pour apprendre à dessiner comme à écrire des scénarii compréhensibles et susceptibles d’intéresser d’autres personnes que moi !
Sceneario.com : Avez-vous eu des difficultés à produire cette adaptation compte tenu de sa richesse en thèmes et de sa notoriété ?
Marion MOUSSE : En vérité, non, puisque ma vision de cette œuvre n’était pas vraiment celle que j’ai pu trouver dans les diverses adaptations filmées ou dessinées que j’ai vues. Ensuite, le fait que cette œuvre soit un monument rajoute encore plus d’intérêt à l’interprétation.
Sceneario.com : Partagez-vous le "gothisme" de cette œuvre ?
Marion MOUSSE : Je ne suis pas sûr de bien savoir ce que signifie « gothisme », s’il s’agit d’une ambiance mélange Moyen-Âge et fantastique, romantisme et contes d’autre fois, alors oui je le partage, pour le coté graphique et sentimental.
Sceneario.com : Un effort considérable semble avoir été fait sur l’utilisation des ombres et de la couleur noire. Qu’en est-il exactement ?
Marion MOUSSE : Pour moi "Frankenstein" c’est Victor, le créateur, ses affres, ses affects, tous très sombres et désespérés. Je voulais une ambiance sombre donc, mais plus encore lourde et étouffante pour exprimer le coté inéluctable et oppressant de la folie dans laquelle le héro ne peut plus éviter une fois que « l’expérience » a réussi. Le noir cache tout, il est le mystère fait forme, on peut tout y mettre, le lecteur tout imaginer.
Sceneario.com : Avez-vous eu des échos concernant l’accueil qui a été réservé à votre réalisation par votre lectorat ?
Marion MOUSSE : En dehors de critiques via la presse spécialisée, quelques maigres opinions sur mon blog, je n’ai eu d’avis que de lecteur venu faire dédicacer la BD. Or, par définition, la totalité avait l’air d’avoir plutôt apprécié.
Sceneario.com : Est-ce que le nombre d’albums composant cette adaptation a été arrêté ?
Marion MOUSSE : C’est une trilogie, prévue dés le départ. Le troisième tome sort début septembre 2008.
Sceneario.com : Si on vous proposait un nouveau roman à adapter, quel genre souhaiteriez-vous illustrer ? Fantastique, policier, thriller, aventure…
Marion MOUSSE : Je sors pour septembre une adaptation noir et blanc de "Moonfleet", que j’ai débutée en 2003. Mais je ne veux plus faire d’adaptations. Je veux revenir à ce qui me motive le plus : mes histoires. Il reste que ces adaptations m’étaient nécessaires pour apprendre mon métier, aussi je ne dis pas que je ne ferai plus d’adaptation parce que je ne suis pas certain non plus de maîtriser tous les arcanes de l’écriture. Et comme je ne me sens pas de travailler avec un scénariste…
Sceneario.com : Votre coup de crayon a grandement évolué depuis "Phinéas". Pensez-vous que le véritable style Mousse est atteint ?
Marion MOUSSE : Franchement mon dessin n’a pas évolué. Avant de faire "Phinéas" (j’ai dessiné cette BD de la main gauche, pour essayer de perdre des tics et maniérismes de ma main droite), je n’étais pas loin de dessiner comme pour "Frankenstein". Que ce soit pour "Fracasse" ou "From Outer Space", j’essaie de travailler la forme en accord avec le fond. "Phinéas" est une BD très verbeuse, sans action, il s’agissait plus d’illustrations au niveau du dessin que de BD à proprement parler. J’ai changé de facture pour chaque BD et je continuerai, pour trois raisons : la premiere, c’est que je n’ai pas encore trouvé le trait qui me convienne. La deuxième : c’est l’histoire qui décide pour moi de l’outil que je vais utiliser. Enfin, j’ai toujours peur de m’ennuyer dans un métier qui a un coté parfois très laborieux. Alors si je peux changer de façon de faire à chaque fois, je le fais.
Sceneario.com : Avez-vous une méthodologie particulière en matière graphique ?
Marion MOUSSE : Mince ! je crois que j’ai tout dit à la question précédente…
Sceneario.com : Peut-on dire que pour parvenir au travail que vous produisez, vous avez été inspiré par d’autres ?
Marion MOUSSE : Ben ça serait me l’a péter grave de dire que je n’ai été inspiré par personne. Et ceux qui le disent sont des menteurs (sauf la Mère Nature) ! On est tous influencés, je crois, qu’on le veuille ou non, consciemment ou inconsciemment. Je suis même persuadé qu’on invente rien mais qu’on ingurgite et qu’on recrache le tout à sa sauce. Personnellement, pour le dessin, le découpage, j’ai pris les mêmes condiments que beaucoup (Sempé, Fred, Mignola, de Crecy, Breccia, j’en passe et des meilleurs) et j’ai fait mon liant je sais pas trop comment, pour servir la salade que vous voyez. Et encore, je vous parle que du dessin ! Évidemment ça ne remet pas en cause les qualités de chacun, on peut tous trouver une marque de sel à la sauce que l’autre n’a pas.
Sceneario.com : Marie-Odile Galopin est votre coloriste attitrée. Comme se passe votre partenariat avec elle ?
Marion MOUSSE : Y a des hauts et des bas, Marie a son caractère et c’est ce qui fait sa patte. A vrai dire, en dehors des préliminaires pour établir la palette, Marie gère le reste, ce qui me laisse beaucoup de temps à moi ! en plus elle supporte mes retards dans les envois de planches, de corrections, etc, bref ma vie dissolue. Mais elle est très patiente.
Sceneario.com : Avez-vous d’autres projets en gestation qui pourraient voir le jour prochainement ?
Marion MOUSSE : Ouaip 🙂
Sceneario.com : Merci d’avoir répondu à ces questions et bon vent à "Frankenstein" !
Marion MOUSSE : Merci !!
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