Interview

Stéphane LOUIS, dessinateur du tome 18 d’Aquablue – Stromboli reloaded – aux Editions Delcourt

Interview réalisée le 13 avril 2024 par Aubert BONNEAU pour Sceneario.com

Sceneario.com: Auteur de BD depuis quelques années… 

Stéphane LOUIS: 20 pour être précis ! J’ai signé Tessa en 2003 et il est sorti en 2004 😉

Sceneario.com: Entre Kookabura, Carmen Mc Callum, Drones et bien d’autres…  Combien d’albums as tu réalisé?

Stéphane LOUIS: 28 au dessin et 31 au scénariste, certains albums cochant les deux  « casquettes ».

Sceneario.com: Voila qu’aujourd’hui, le tome 18 d’Aquablue sort ce mercredi 17 avril (2024) et que tu en es le dessinateur.

Stéphane LOUIS: Yep ! émotion !

Sceneario.com: Comment es tu arrivé sur ce projet ?

Stéphane LOUIS: Eh bien, j’étais sur le tome 20 de « Carmen Mc Callum », qui était le dernier de la série, en compagnie de Fred Duval au sénar’, Scarlett aux couleurs et Grégoire Seguin en directeur de collection. Ce dernier venait de prendre la suite de Fred Blanchard après son départ et au bout de quelques planches, il m’a appelé pour me proposer de faire une page test pour reprendre « Aquablue ». J’ai prévenu Fred Duval, même si c’était pour « après » Carmen. Je fais donc ma planche Test, avec passion, en m’éclatant sur le mouvement, qui est ce qui m’amuse le plus, et j’attends la réponse… Et bim ! C’est un oui ! Je crois savoir que je n’étais pas le premier à qui on proposait la reprise( comme pour Carmen, d’ailleurs) mais Thierry Cailleteau à beaucoup aimé, me dit Grégoire ! Après un long coup de téléphone avec Thierry, ou il m’a dit des choses super sur mon boulot et la joie qu’il avait de reprendre Aquablue avec moi, j’ai avancé vers la fin de Carmen… J’ai commencé la première planche d’Aquablue et… J’ai appris la sinistre nouvelle. Thierry était mort…

Sceneario.com: Nous avons appris la nouvelle, le 23 février 2023. Avais tu déjà échangé avec Thierry sur l’histoire de ce Stromboli Reloaded ?

Stéphane LOUIS: Alors oui, comme je l’ai dit plus tôt. Une seule et unique fois. Mais presque une heure. Et… Heureusement pour moi, parce que ce qu’il m’a dit m’a accompagné durant tout l’album. Ça m’a porté, même. Bosser sans le scénariste, c’est étrange, surtout au vu des conditions. Heureusement, également, pour moi, Sylvie Donne, la sœur de Thierry, a suivi tout l’album, avec enthousiasme. C’était un peu comme si son frère était là. Elle m’a dit à plusieurs reprises ce que Thierry pensait de mon travail et ça m’a porté, oui. Vraiment. Fred Duval, même si( je comprends pourquoi) minimise sa participation pour rester en retrait de Thierry, m’a bien épaulé également. On a nos habitudes et notre façon de bosser, après quatre Carmen. C’est l’homme de la situation.

Sceneario.com: Est ce que le scénario était totalement terminé? 

Stéphane LOUIS: Oui ! Le scénario était complet !

Sceneario.com: Le storyboard était-il fait?

Stéphane LOUIS: Non, il restait une dizaine de pages à découper et dialoguer, d’après le script. Fred Duval s’en est chargé tout en faisant bien attention de respecter le matériel fourni par Thierry.

Sceneario.com: Quel est le travail de Grégoire Seguin, l’éditeur, dans cet album?

Stéphane LOUIS: Grégoire est l’homme par qui ce rêve a été possible. Il est très bienveillant et ne demande que très rarement des motifs qui sont toujours très justifiées. Je l’appelle « œil de Lynx ». Il m’a tout de suite mit à l’aise au départ, par rapport à mes doutes quant à mon niveau après le passage fantastique de Reno. Je lui ai tout de suite dit que je ne pourrais jamais atteindre son niveau. Il m’a rassuré en me disant que ce n’était pas le but et que mon travail avait pour vocation de raccrocher avec les premières albums. Quelque chose de semi-Réaliste.( C’était déjà le cahier des charges de ma reprises de Carmen, au passage). Bref, exigeant mais pas chiant. Il m’a également tout de suite appelé au moment de l’annonce du décès de Thierry pour me dire qu’on allait continuer. Pour lui rendre hommage.

Sceneario.com: Qu’est ce qui a été le plus dur sur ton travail sur cet album?

Stéphane LOUIS: Mes difficultés habituelles quand je reprends où créé de nouveaux perso. Il faut les « chopper » puis les « tenir » ! Pas évident. Ça va mieux sur le tome 19 (j’espère).
Le Stromboli est aussi un challenge de dingue. Il a l’air simple, comme ça, mais c’est un casse tête. D’ailleurs, sous certains angles, je l’ai raté, je suis passé à côté, mais je commence à l’avoir en main, je pense.

Sceneario.com: On voit bien sur les dessins que le trait est complètement tien, t’es tu parfois senti obligé de te rapprocher d’autres auteurs pour les ressemblances aux personnages?

Stéphane LOUIS: Alors non, du tout. J’ai toujours été influencé par les tomes 3 et 4 de la série. Le travail de Vatine sur ces deux albums, ainsi que sur Star Wars, avec Fred Blanchard, m’a beaucoup influencé. Je n’ai jamais cherché à m’en défaire. J’ai certaines stylisations, certains codes graphiques, comme les hachures, les nuages, la fumée, et d’autres, qui me viennent directement de lui. Blanchard aussi m’a influencé. Mais je pense qu’au fil du temps, mes autres influences ont noyé un peu tout ça, mais là… Ça ressort. Forcément. Et je vois ça comme un hommage, je laisse ça remonter et ou, parfois, je réfrénais un peu ça sur mes autres albums, ici, à l’inverse, je n’hésites pas à y aller, à forcer le trait pour faire un relier tout ça, justement. Humblement, à manière. Pour avoir tout relu avant de m’y jeter, même si j’aime un peu de tout chez tous les collègues, j’avoue que Reno m’a mis une tarte dans les chicots. C’est un gros gros tueur et j’ai essayé d’intégrer des choses de sa période. Les trains d’atterrissage du Stromboli 2 sont inspirés des siens. Et c’est un ENFER à dessiner. Mais voilà… Il ne faut pas faire les choses à moitié ! C’est Aquablue !

Sceneario.com: Comment se déroule une journée type de travail pour Stéphane LOUIS ?

Stéphane LOUIS: C’est souvent un peu le bordel, parce que je suis très dispersé à cause de soucis personnels, mais en gros, on se lève à 5h45 avec Madame. Je suis à ma table à dessin à 8h et jusqu’à 18h00, avec une pause principale à 10h45 pour déjeuner et des p’tites pauses pour faire des milliards de trucs de geeks, au fil de la journée.
C’est du 7 jours sur 7. 52 semaines par an.
Pareil pour madame.

Sceneario.com: Le travail de la coloriste Vera Daviet est très réussi.

Stéphane LOUIS: Elle est ravie et te remercie !

Sceneario.com: Véra est ta femme, comment travaillez vous ensemble?

Stéphane LOUIS: Je la bats, tout simplement, en bon patriarche. Blague à part, on a la chance d’avoir fait beaucoup d’albums ensemble et on a nos habitudes. Je la briefe rapido avant chaque scène, en fonction du script, je lui prépare les références à partir des albums précédents et roulez jeunesse ! Je valide ses « aplats », pour voir si il n’y a pas de petits soucis de compréhension de mon dessin. Par exemple, je dessine les dents, ce qui n’est pas le cas de tous les dessinateurs, qui symbolisent souvent la zone, mais du coup, ce n’est pas toujours facile sur mes visages de s’y retrouver entre les deux mâchoires , les lèvres, la langue, sur un visage qui fait moins d’un cm de haut. Je suis fan de son travail, qui pour moi est du pur franco-belge dans le sens noble du terme. Ce n’est pas « informatique », c’est lisible, elle connaît la « mise en scène au sol » et sait donc gérer la narration au sein d’un cadre, comme éteindre une premier plan pour recréer un cadre dans le cadre. Repousser ce qui doit l’être à l’arrière plan. Bref, elle sait rendre une planche lisible, comme je le disais plus tôt.

Sceneario.com: Maintenant que cet album va sortir, à n’en pas douter les lecteurs seront la…

Stéphane LOUIS: J’espère !

Sceneario.com: Quelles sont tes craintes?

Stéphane LOUIS: Eh bien écoute, pour être franc, je n’ai pas été stressé du tout pendant la réalisation du tome 18. Je dois avouer que je me suis rarement senti aussi « à ma place » sur un album, et pourtant, j’ai eu la chance de bosser sur de super titres ! Mais Aquablue, c’est particulier. C’est LA série qui, comme pour beaucoup d’auteurs de ma génération (Nico Mitric ne me dira pas le contraire), m’a mit une claque et a contribué a me donner envie de faire ce métier. Mieux, je me voyais dessus ! J’avais le droit de rêver, à l’époque, il n’y avait aucune chance que cela arrive ! Mais c’est vrai ! Je me disais qu’en tous cas, c’était ce genre de BD que je voulais faire. Et bien des années plus tard… Un des co créateur de la série, Thierry, m’a dit qu’il adorait mes décollages du Stromboli ! Mais là, depuis quelques semaines… La pression monte affreusement ! Je flippe. 

Sceneario.com: As tu toujours les mêmes « angoisses » lorsqu’un de tes album sort?

Stéphane LOUIS: Non. J’en avais beaucoup au début. Mais plus depuis un moment, au dessin. Je pense que la raison est simple. Non pas que je sois blasé où que je me prenne pour ce que je ne suis pas, mais vu le nombre d’albums que j’ai fais, je pense que quand un album sort, les gens savent ce qu’ils vont y trouver. Après, dans les cas ou je tente des trucs, ou quand je reprends une série, ou quand je bosse sur des séries de one shots, entouré de tueurs ( Androïdes, Conquêtes, par exemple), alors là oui. Parce qu’il y a une attente du public qui ne dépends pas que de mon travail. Quand j’ai repris Carmen, les Fans D’Emem ou pu/du être déçus…
Mais sur Aquablue, comme je le dis plus haut, l’angoisse est totale !

Sceneario.com: On t’a aussi rencontré sur des albums plus intimistes, ou tu es aussi le scénariste. Est ce un exercice que tu préfères par rapport à celui d’uniquement scénariste?

Stéphane LOUIS: Alors c’est compliqué. Pour être honnête, ce que je préfère, c’est dessiner de la science fiction qui a la pêche, la patate.
J’aimerai un jour faire ma série, ou au moins un one shot, dans ce genre, un peu plus japonisant, que mes influences Manga ressortent aussi. Un truc à la Ghost in the Shell ou Appleseed.  Bref. Non, je ne préfère pas écrire des choses pour moi. J’adore écrire pour les autres et être surpris de voir ce que mes idées vont devenir en prenant vie sous leurs mains. Il y a aussi certaines choses que je ne pourrais pas dessiner moi même. Je n’aurais pas le style pour, comme pour « L’Homme sans sourire », Stéphane Hirleman et Véra Daviet on fait un travail parfait pour mettre ce scénariste si étrange en images !

Sceneario.com: Sur quels albums travailles tu?

Stéphane LOUIS: Alors pour le Moment, uniquement Aquablue. J’ai terminé il y a un moment un one shot dans l’univers de « I.S.S. Sniper », au scénario, qui par un hasard de calendrier vient de sortir juste avec Aquablue. J’ai mis ma carrière de scénariste en pose depuis quelques années. J’avoue que « L’Homme sans sourire », qui est un de mes albums les plus persos, m’a pas mal vidé, scénaristiquement parlant. C’est un ovni, et j’ai besoin de me ressourcer. Je suis aussi, pour dire les choses, pas mal crevé tout court et donc, je garde toute mon énergie pour Aquablue. Pour le moment… Des idées émergent…

Sceneario.com: Si tu avais envie de prendre le relais sur une série.. Quel serait ton rêve le plus fou ?

Stéphane LOUIS: Alors, je crois que la/les réponses à cette question sont déjà plus haut. LA série que je rêvais de reprendre, sans y penser parce qu’impensable, était Aquablue. D’autres séries me rendrait fou de joie, mais la liste serait trop longue. Et puis je suis bien sur Aquablue. Fred Duval a écrit un triptyque qui m’emmènera au tome 21. J’avoue espérer que ça continue, si le public et éditeur le souhaite, bien sûr. Je ne pose pas trop la question, de « l’après », je suis trop le « nez » dedans. Mais lorsque que cet « après » arrivera, et il arrivera, j’espère quand même pouvoir de nouveau bosser sur un truc à moi. Scénario et dessin, dans l’esprit de ce que je décrivais plus haut, avec Véra à la couleur. Voilà.

Sceneario.com: MERCI

Stéphane LOUIS: Merci à toi !

Aubert

Stéphane

Livres

Stéphane LOUIS, dessinateur du tome 18 d’Aquablue – Stromboli reloaded – aux Editions Delcourt

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