JUKEBOX MOTEL
La mauvaine fortune de Thomas Shaper

Thomas Shaper est promis à prendre la succession de son père dans l’exploitation familiale. Mais le jeune homme a les yeux tournés vers autre chose. Le jour de ses 24 ans, il fait part à ses parents de son intention de partir pour New-York pour faire les Beaux-Arts. Provoquant la colère de son père, Thomas quitte le giron familial et intègre une école d’arts. Travaillant sans relâche, il tente de créer son propre style de peinture mais se heurte à des réactions souvent peu motivantes. Lors d’une soirée entre étudiants, il tombe sur Joan, une parolière en herbe. Partageant les mêmes attentes, ils se rapprochent sentimentalement au point de donner un nom à leur liaison, l’indamour. Un matin de 1967, la colère de la veille se transforme en un éclair de génie. Il court voir Andy Warrol qui, sidéré par la toile réalisée par Thomas, lui offre l’occasion de rencontrer le massif Big Man. Ce dernier lui commande dix toiles et lui donne, en guise d’avance, une somme colossale. Déstabilisé par l’aura impressionnante de son commanditaire, Thomas perd pied. Il décide de partir loin devant, après s’être marié avec Joan, pour retrouver une paix intérieure. Il atteint Los Angeles et échoue dans un bar dans lequel il rencontre Johnny Cash en plein doute. Le courant passe immédiatement entre les deux hommes si bien que Thomas lui propose de trouver leur havre de paix.

Par phibes, le 10 juin 2021

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Notre avis sur JUKEBOX MOTEL #1/2 – La mauvaine fortune de Thomas Shaper

A l’origine du roman portant le même titre paru en 2016 chez JClattes, Tom Graffin profite d’être sous le couvert de la Maison Bamboo pour adapter son œuvre Jukebox Motel en bande dessinée et l’intégrer ainsi la grande collection Grand Angle. Epaulé graphiquement par Marie Duvoisin, il nous plonge dans les années 60 durant lesquelles un jeune homme, trahi par ses doutes, part à la recherche de lui-même.

Prévu pour se décliner en deux tomes, cette histoire est l’occasion de suivre les traces de Thomas Shaper, fils d’exploitant agricole, dont la vocation première n’est pas de suivre l’exemple de son père mais plutôt de trouver sa destinée au travers de sa passion créatrice. Entre drame et aspirations, Tom Graffin nous introduit dans un récit à dimension humaine. Il nous ouvre les portes de la créativité artistique qui peut engendrer très rapidement la grande reconnaissance de tous mais aussi la peur de l’insatiabilité de celle-ci. Thomas nous le démontre très aisément et par ce biais, nous le suivons dans cette incertitude, cette appréhension que bien des artistes connaissent (ici Johnny Cash) sur la perte de leurs repères due au succès trop pressant.

Le parcours de Thomas a le privilège de susciter de bonnes surprises surtout quand celui-ci croise des personnalités célèbres comme Andy Warrol et Johnny Cash. Tom Graffin donne ainsi une belle étoffe à son récit qui se veut d’une belle linéarité et qui tangue généreusement entre relations sentimentales difficiles, volonté de s’extirper de contraintes familiales et commerciales, quête de soi, espoir, plénitude et grosses désillusions. On s’accroche facilement à Thomas dont la précarité, la fragilité, l’objectif difficile à atteindre tendent à le rendre attachant.

Il va de soi que le travail pictural de Marie Duvoisin renforce naturellement cette fascination. D’un trait pour le moins soigné qu’on a pu apprécier dans Nos embellies, l’artiste trouve encore la belle évocation qui sied au récit. On y retrouve cette sensibilité artistique qui lui est propre et qui lui permet d’animer avec humanité des personnages criants de vérité, doté d’une expressivité concluante. Elle ne manque pas aussi de travailler dans le détail, un détail que l’on peut apprécier dans les décors de ses vignettes.

Un début d’histoire dramatique remarquablement restituée par un tandem d’auteurs très investis dans leur rôle respectif.

Par Phibes, le 10 juin 2021

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